Publié le 16 juin 2004 - Par Frédéric Guégan

Une vie de cinéma: Portrait de Valérie Saas-Lovichi

Valérie Saas-Lovichi

Lucie – Bonjour Valérie. Quel est votre parcours ?

Valérie – Je suis entrée au DESS en 1991 et tout s’est enchaîné très rapidement ! En effet, au moment des entretiens de sélection, j’ai reçu une proposition d’Olivier René-Veillon alors Directeur de la communication et du développement de La 7-Arte pour travailler auprès de lui.

Cette opportunité correspondait idéalement à mes aspirations .
Pourtant à l’époque, c’était plutôt Canal + qui attirait les convoitises, mais pour ma part je me sentais plus proche d’un projet de chaîne à contenu culturel !
La fonction consistait en la mise en place du Cercle des amis de la 7-ARTE. A terme, le poste devait me conduire à travailler à l’international.
Mais voilà, j’ai préféré suivre la formation du DESS et ce n’est que plus tard que j’allais entrer dans la chaîne.

Au beau milieu de l’année universitaire, Franck Soloveicick, patron de la société de distribution M5 et intervenant au DESS m’a proposé d’intégrer immédiatement sa structure. J’ai accepté avec enthousiasme sa proposition, avec la bénédiction de Daniel qui a juste exigé que je me débrouille pour gérer simultanément DESS et boulot sans nuire à ma scolarité…

Pendant 1 an 1/2 environ, je me suis occupée des ventes internationales Une très belle expérience.

Le catalogue était essentiellement constitué de séries d’animation jeunesse dont « Les aventures du père Castor », « Baby boom » ou « Coup de bleu dans les étoiles » et de séries de fiction comme « Maigret » avec Bruno Cremer. J’ai été particulièrement fière d’avoir réussi à vendre le Père Castor bien de chez nous à la chaîne américaine Nickélodéon !
Mais on pouvait aussi trouver un film de Chris Marker, « L’héritage de la chouette », produit ô combien atypique du catalogue de M5 !

L- Au départ, c’est vers les ventes internationales que tu avais envie de te tourner ?

V- Cette activité m’a semblée parfaite pour commencer car elle permet d’appréhender les marchés et représente une belle expérience pour comprendre les stratégies des diffuseurs.

Après environ 1 an 1/2 à M5, je réponds au nouvel appel d’Olivier René-Veillon qui ouvre une filiale d’édition vidéo de films de cinéma au sein d’ARTE. Cette fois-ci, toutes les conditions sont réunies et je me lance dans l’aventure !

Que rêver de mieux que de démarrer notre activité avec le catalogue prestigieux des films produits par Anatole Dauman, producteur entre autre des grands films de Resnais, Marker, Oshima, Wenders, Godard, Bresson etc… ! Et quel personnage cet Anatole, un mélange de Médicis et de Machiavel… Une rencontre très importante et déterminante dans mon parcours.

J’ai donc participé à la création d’ARTE VIDEO, une petite équipe avec laquelle je vais travailler durant 7 ans.

N- En quoi consistait ton travail ?

V- En tout !! Travailler à l’édition des quelques 100 films du catalogue d’Anatole Dauman, acquérir des films à l’extérieur, créer des collections, choisir un distributeur physique, élaborer les stratégies marketing etc…
En fait, il s’agissait de créer et de faire exister ce label. Et ce n’était pas évident d’installer un label « culturel » au sein de ce marché très concurrentiel qu’est la vidéo, c’était un cas unique à l’époque. Mais quel beau pari !
Il a fallu notamment se battre pour passer des accords avec la grande distribution, la FNAC etc…

Aujourd’hui, le catalogue comporte environ 250 titres.

Autre aspect passionnant de mon expérience chez ARTE-VIDEO : Le lancement du DVD.
J’ai participé au lancement de ce nouveau support alors que la norme technique n’était pas encore fixée !

Le 1er DVD édité par ARTE en 1997 fût « Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain ».
Pour ce DVD, j’ai souhaité pouvoir créer une véritable interactivité et intégrer un livret papier comprenant une filmographie de tous les réalisateurs abordés dans le film de Scorsese.

Toute cette expérience fut une aventure exceptionnelle avec une grande autonomie dans l’environnement très riche qu’était ARTE.

J’ai aussi eu la chance de participer, dans le cadre de mes fonctions, au comité de sélection de Arte France Cinéma. Encore une expérience très riche d’enseignements !

Au moment de la fusion entre ARTE et La Cinquième, devenu France 5, notre unité a été le « laboratoire » de la fusion.
Je me suis donc également occupée du DVD pour La Cinquième.

En 1999, je quitte ARTE pour rebondir sur une proposition de la Directrice générale de TV5, Marie-Christine Saragosse de venir m’occuper de programmation cinéma. TV5 avait décidé de porter ses efforts sur ce budget ; la tentation était trop belle !
Jean Stock présidait alors la chaîne qu’il avait reformatée en réorganisant notamment tout le réseau sur les cinq continents. TV5 est un magnifique outil de rayonnement et une véritable alternative à la pensée anglo-saxonne, beaucoup mieux connu des français et francophones de l’extérieur !

J’ai appris les différentes stratégies de diffusion puisque nous pilotions 6 chaînes de télévision obéissant à des attentes très différentes. Une sorte de défi permanent !
Pour illustrer ce « jonglage », je pourrais prendre l’exemple de la censure qui n’est pas la même entre continents ni même entre pays. Entre les logiques de censure dans un pays du Moyen-Orient, d’Asie ou d’Amérique latine, ce n’est pas facile de s’y retrouver !

Je me suis vraiment beaucoup amusée tout en ayant carte blanche pour dessiner une véritable ligne éditoriale.

L- Et ensuite ?

V- Après 9 mois passionnants à TV5, j’ai été contactée par Marin Karmitz… Malgré l’extrême intérêt de ma mission, pas question de décliner cette proposition d’ intégrer MK2 !

L et H- Ca se comprend !

V- Marin Karmitz m’offre le poste de Directrice des acquisitions et de la Distribution en salles.

La structure comprend 2 programmateurs, un responsable du marketing, un responsable du matériel et un administrateur.

N – Quels souvenirs artistiques concrets souhaiterais-tu isoler pendant ces quelques années ?

V- Le chemin parcouru auprès d’ Abbas Kiarostami dont j’avais fait la connaissance du temps d’Arte constitue un temps fort.
Pour MK2, je me suis rendu à deux reprises à Téhéran accueillie par Abbas. J’ai vu naître et grandir deux de ses films parmi les plus passionnants : « Abc Africa » et « TEN ».
Quelle expérience merveilleuse ! Pour moi, Abbas est le plus grand cinéaste contemporain, un artiste remarquable, non seulement cinéaste mais aussi poète et photographe. C’est aussi un homme très chaleureux et drôle.

J’aimerais aussi parler de Raphael Nadjari. J’avais proposé à Marin Karmitz « d’accompagner » de jeune metteurs en scène. Nous avons commencé avec « I am Josh Polonski’s brother » de Raphael Nadjari. Le film était en super 16 avec un télé cinéma vidéo terrible ! J’avoue que Marin a eu du mérite de faire confiance à mon coup de cœur dans ces conditions de visionnage !

Le film a bien marché en salles en France avec 50 000 entrées.

Ce joli succès nous a permis de poursuivre notre collaboration avec ce jeune et talentueux réalisateur en produisant son film suivant, « Appartment 5C ».

Dans le cadre du lancement de ce label de jeunes cinéastes, figure aussi Damien Odoul. J’ai distribué son premier film, « Le souffle ».

Le travail effectué autour de la redécouverte de Charles Chaplin mais aussi de François Truffaut ; avec Michael Haneke, Isabelle Huppert et Benoit Magimel pour « La pianiste », constitue aussi d’excellents souvenirs.

Travailler auprès de Marin Karmitz a été un bonheur et une grande chance au plan professionnel, je ne garde que de bons souvenirs.

N- Tu es partie de MK2 il y a un an. Que fais-tu depuis ?

V- J’ai crée une société de production et de prestation de services dans le domaine du cinéma , YOKO FILMS

Je développe 2 projets de long-métrages en propre, ainsi qu’un documentaire et continue en parallèle à accompagner des producteurs dans la distribution en salles.
J’agis alors comme prestataire de services pour le compte d’autres producteurs, ce qui semble les séduire car sans avoir démarcheé quiconque je reçois pas mal de coups de fils à ce sujet.
Cette « formule » leur permet de conserver la maîtrise de leur sortie, de s’y impliquer et d’en comprendre les règles grâce à une plus grande transparence… Autre avantage, ils conservent l’intégralité de leur recette… Je travaille avec une programmatrice.

J’interviens aussi comme « scout » pour le compte de producteurs importants en opérant une sélection de films pour leur compte dans les Festivals notamment, jusqu’à la négo des droits si affinités…

Bref, je m’occupe, tout en ayant l’opportunité de voir grandir ma fille et ça c’est un peu nouveau et très important pour moi.

H – Pour terminer, avez-vous envie de vous prêter au jeu du questionnaire de Proust ?

V- Allons-y !

– Quel est ton réalisateur préféré ?
– Abbas Kiarostami bien sur, s’il faut n’en citer qu’un ! (Les autres comprendront…)
– Quel métier aurais-tu aimé exercer si tu n’avais fait le tien ?
– Architecte
– Ton bruit préféré ?
– La mer
– Le bruit que tu détestes ?
– Le marteau-piqueur !
– Ton mot préféré ?
– Espoir.
– Le mot que tu détestes ?
– Impossible !
– Ton dessert préféré ?
– Le chocolat dans tous ses états !
– Ton endroit favori ?
– La place de la Concorde, un matin d’hiver, sec, glacé et ensoleillé
– Ton odeur préférée ?
– De la coriandre froissée !
– Un air, une voix ? Sinatra
– Et pour finir, un livre ?
– Pour rester dans l’univers du cinéma « Autoportrait » de Claude Berri m’a récemment beaucoup touchée.

MERCI !!!!

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